lundi 7 mai 2007

Monographie Contrôleur de train

MONOGRAPHIE
Agent Commercial Train


Afin de réaliser la monographie sur les contrôleurs de train à la SNCF, j’ai effectué des recherches sur internet, puis je suis allée à la rencontre de contrôleurs afin de m’entretenir avec eux sur la réalité de leur relation au travail. Il a été très difficile d’avoir des informations spontanées de leur part car leurs gestes sont tellement devenus habituels, qu’ils sont emprisonnés dans une logique qui dépense la pensée. J’ai donc du orienter les conversations en posant des questions et les aider ainsi à réfléchir sur leurs sentiments, leur frustration,……à porter un regard critique sur leur condition de travail.

J’ai articulé mon étude en 3 points essentiels, la définition du métier, le portrait d’un agent et enfin la fonction au travers d’articles de presse.


I Histoire des ACT


Les appellations de ce métier sont nombreuses. Si le métier est lié au secteur d’activité des transports, il peut être dénommé différemment selon les modes de transports. Parmi les intitulés suivants, Agent de contrôle, Agent de contrôle de ligne, Contrôleur, Vérificateur de perception… La SNCF, pour se démarquer à choisit une appellation différente : Agent Commercial Train (ACT). Les contrôleurs sont officiellement appelés ainsi depuis la fin des années 1980. Cette désignation s’est inscrite dans la politique de modernisation de la SNCF qui a mis l’accent sur la dimension commerciale du métier alors que leur principale activité est de contrôler les usagers et réclamer la régularisation aux voyageurs-fraudeurs par le paiement d’un titre de transport majoré d’une pénalité. « Nous, on préfère le terme chef de bord, c’est d’ailleurs sous cet intitulé que l’on doit se présenter lorsque l’on souhaite la bienvenue aux usagers qui montent dans le train » me confie un contrôleur. Effectivement le terme ne renvoie ni à la notion de commercial qu’ils ne sont pas vraiment, ni à la connotation plus négative du contrôleur. C’est une appellation neutre qui valorise même quelque peu la fonction en la rapportant à la navigation où le chef de bord est celui qui représente la loi. Celui à qui les passagers confient leur sécurité pendant tout le trajet. Dans le domaine du transport ferroviaire, le chef de bord est également la personne qui est responsable de la sécurité.


Un métier en héritage. Tous les ACT que j’ai rencontrés ne sont pas à la SNCF par hasard. Ils ont tous un parent proche ou éloigné, une personne par l’intermédiaire de laquelle ils sont rentrés à la SNCF. Bien que le public est une image quelque peu entachée de la SNCF à cause des multiples grèves qu’ils organisent sans qu’il ne puisse comprendre leurs motivations, la SNCF conserve une image d’une bonne entreprise dans laquelle la population s’imagine que le personnel n’est pas malheureux. Cet état de fait pousse les candidats à postuler afin de faire partie cette « belle famille ». Pourtant beaucoup n’ont pas choisi le métier d’ACT comme fin en soi et certains tentent d’accéder à celui de conducteur. Le passage est sanctionné par un examen très sévère, et les ACP sont les mieux placés pour y parvenir (ils maîtrisent le rythme des trains et côtoient plus souvent les agents de conduite).


Le métier d’ACT est relativement accessible. Le candidat doit être titulaire d’un niveau BEPC, mais le recrutement s’effectue toujours au niveau bac /bac+2. Le candidat doit se soumettre à des examens psychotechniques et de culture générale ainsi qu’à une visite médicale de sécurité (auditions, réflexes….). Puis une formation théorique et pratique est dispensée par la SNCF. Elle est dense et orientée sur le comportement humain et les moyens de canaliser l’emportement de l’usager. Les candidats doivent être sensibles à la psychologie humaine. « Tout une partie de notre formation est basée sur le comportement humain. Les humeurs des clients apparaissent comme évidentes une fois qu’elles ont été décryptées par les formateurs-psychologues ». Les contrôleurs apprennent à ne pas regarder dans les yeux le voyageur en colère, à baisser le ton afin que le contrevenant fasse un effort surhumain pour comprendre son interlocuteur et perdre ainsi son agressivité. Ces informations sont des armes précieuses pour les ACT. Avant il fallait que les agents se débrouillent à l’instinct.


II Portrait de l’ACT


Le mode d’exercice. Ce métier s’exerce debout, en relation permanente avec les usagers. Leur lieu de travail est mouvant, à la fois au sein même du train, mais aussi en déplacement d’une ville à une autre. La mouvance est source de fatigue et il est très difficile pour les nouveaux de la profession de s’adapter au rythme du travail. Généralement les horaires sont irréguliers (travail en roulement). Les contrôleurs peuvent selon leur planning, dormir à l’extérieur, et travailler les dimanches et les jours fériés. Ils peuvent prendre leur service en plein après-midi ou en pleine nuit. Coupés du rythme de vie d’une famille normale, ils doivent s’organiser autrement. Certains me disent que leur couple doit être solide pour tenir.

Les contrôleurs ne se connaissent pas tous. Ils se reconnaissent plutôt par les histoires qui circulent à leur propos, des anecdotes de face à face avec les supérieurs hiérarchiques ou des altercations mémorables avec les usagers. « La seule façon de se connaître, c’est de revendiquer ensemble » me confie un contrôleur.

La grève est légitime. « Personne ne peut comprendre que ce n’est pas si facile que cela n’y paraît d’être contrôleur ». L’ACP se réduit de lui-même à son activité de contrôle et cela prouve qu’ils sont commerciaux ni dans l’âme ni dans les faits. Ils sont serviables, aident volontiers les personnes âgées ou les handicapés à accéder au train. Mais où est l’aspect commercial de cette relation aux clients ? Quels arguments pourraient ils avancer pour pousser les clients à la consommation ?!?

L’opinion publique voit souvent dans le rôle de l’ACP, l’agent qui va contrôler les usagers pour vérifier qu’ils respectent la loi. Deux types de comportements apparaissent alors. Celui de la personne qui n’a rien à se reprocher mais qui va pester, exposer tous les griefs accumulés contre l’entreprise publique (les retards des trains, les erreurs d’affichage, les trajets interrompus…) A ces réclamations peut s’ajouter la dénonciation des fonctionnaires, du service public, de « l’administration française » et surtout des grévistes.. L’ACT étant le seul représentant de la fonction public présent, il prend pour lui tous les maux de la France. Et Les interventions ne se font pas attendre : « Ils devraient se préoccuper de la ponctualité de leurs trains plutôt que de passer leur temps à contrôler les honnêtes gens! » Voilà l’exemple typique qui confirme que l’ACT représente corps et âme la SNCF. L’adjectif possessif leurs n’est pas choisi par hasard et démontre bien que l’agent est souvent celui qui est pris comme bouc-émissaire Il ne faut pas oublier que la plupart des voyageurs n’en sont pas, ils sont des usagers, obligés de prendre les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Et la distinction est grande, car les comportements sont totalement différents. Quand les premiers sont relaxés et impatients de rejoindre leur lieu de destination (vacances, famille…), les autres sont stressés d’être entassés dans un lieu peu conviviale pour aller à un endroit où ils vont pour certain à contrecœur. L’autre catégorie de personnes, qui voyagent donc sans titre de transport valide, vont s’en prendre aussi à lui, même si ce sont elles qui sont en tord.


Le comportement agressif des usagers fraudeurs est l’un des aspects du métier qu’il faut savoir gérer. Car ce n’est jamais de leur faute, ils sont victimes du système, plaident qu’ils n’ont pas d’argent et qu’ils doivent se rendre de toute urgence au chevet d’un parent malade. Bref, il existe autant d’excuses que d’individus. Les fraudeurs pris en faute s’énervent, provoquent, insultent. Face à ce comportement les ACP ont des fois du mal à se contenir surtout quand ils ont le sentiment d’être bernés. Quoiqu’il en soit ils ont l’ordre de la direction de ne pas s’emporter envers un contrevenant. Mais les dérapages existent


Les activités principales des ACT sont multiples. Ils sont officiellement responsables du bon déroulement des trajets. Ils prennent leur service une heure avant le départ, remplissent quelques documents administratifs et préparent leur pince de contrôle qu’ils mettent à la date du jour. Puis ils se postent sur le quai et accueillent les demandes des voyageurs. Peu après le départ, ils font leur annonce - bienvenue, gares desservies - et effectuent un « tour de train ».


Le tour du train leur permet de parcourir l’ensemble des voitures, de vérifier la climatisation, le verrouillage des portes, ... notant sur un carnet de bord les dysfonctionnements éventuels. Et, peut-être le plus important, en tout cas ce que l’on peut appeler le prélude au contrôle, c’est à dire, qu’ ils comptent le nombre de voyageurs, ils inspectent le train dans son ensemble et repèrent dans cette géographie pratique l’emplacement et les attitudes des voyageurs. Ils notent presque machinalement les postures et les regards, enregistrent des signes qui leur permettent d’évaluer à l’avance les problèmes qui leur seront posés. Ceux qui occupent les espaces entre les voitures, ceux qui restent debout, ceux qui assis dressent rapidement la tête à leur passage...


III Analyse de la presse sur l’ACT


La propagande des extrémistes se délecte des conditions de travail difficiles des ACT et essaie de les attirer dans son sciage. ils doivent être très armés idéologiquement pour résister à la tentation du racisme. Contraints de juger à l’instant présent , dans le face à face avec les fraudeurs, certains d’entre eux ne supportent plus les « jeunes des banlieues » avec qui, pour certains en tout cas, l’altercation est presque systématique.


L'offensive contre les régimes de retraites du secteur public dont font intégralement parti les agents commerciaux SNCF redouble dans les media. Période électorale oblige, tous les candidats s'y livrent. Monsieur Sarkozy s'acharne sur les « privilèges » du secteur public. Et la gauche, incarné par Madame Royale évoque l’obligation d’ une « évolution » des régimes vers le droit commun. Les objectifs du pouvoir actuel sont clairs et quelque soit le parti qui remportera les élections, le résultat pour les ACT porteront sur les retraites. A l’heure où les salariés du privé partent en retraite à 60 ans, voir peut-être même à 65 ans dans quelques années, prolongement de l’espérance de vie oblige, les ACT eux prennent leur retraite à 55 ans. Et ils estiment l’avoir bien mérité. Ils aiment à rappeler à leurs concitoyens que leur conditions de travail sont hors normes : un travail stressant au contact d’une clientèle difficile. Des plannings aléatoires qui cassent la moindre organisation familiale. Des déplacements qui les obligent à être absents de leur domicile plusieurs nuits par semaine. Bref, ils pensent mériter cette faveur de la France en réponse à leurs bons et loyaux services envers les français. Pourtant la volonté du gouvernement via le calendrier de la loi Fillon est simple et sans équivoque : rendre possible la nouvelle remise en cause générale de l'ensemble du système de retraite de répartition dans tous ses régimes et notamment celui-ci des ACT parce qu'ils sont des obstacles à la stratégie de mise en concurrence et de privatisation de tous les services publics. Et c’est bien sur ce dernier point qu’il faut être prudent.


La mise en concurrence du système ferroviaire peut devenir une véritable menace pour les ACT qui pourrait faire les frais d’une re concentration de la part de la SNCF sur son activité la plus rentable : le transport du fret. Aujourd’hui, de nombreux clients du secteur privés sont mécontents des services proposés par la SNCF et voient d’un bon œil l’arrivé de concurrents sur la marché. Si la SNCF ne consent pas à faire un effort pour reconquérir le marché qu’elle avait hier acquis, elle pourrait bien essayer de faire des économie sur le reste. Depuis quelques années déjà, de nombreuses associations mettent le doigt sur l’irrationalité du transport semi-gratuit en France et prônent la gratuité des transports urbains.


« La lutte menée pour la gratuité des transports n’est pas non plus ignorée, même si elle demeure taboue pour la plupart des organisations syndicales ; cependant, la fédération SUD-Rail a mené un débat sur ce sujet lors d’un Conseil fédéral, et sa structure nationale “contrôleurs” a diffusé à ses militant(e)s la plaquette réalisé par le Réseau pour l’abolition des transports payants. » indique un délégué syndical de la fédération dans un tracte. Il est certain que le travail de contrôleur disparaîtra avec l’arrivée de la gratuité. Loin d’être un sinistre social pour les ACT, cela pourrait devenir une véritable opportunité. La fréquentation des transports collectifs serait augmentée, nécessitant plus de conducteurs, plus de métiers de renseignement et d’aide aux usagers. Métiers qui seraient accessibles aux anciens « contrôleurs » que représentent les ACT, qui verraient valoriser leur activité en métiers de contacts et coopération avec les usagers plutôt qu’en confrontation quotidienne. Le métier de contrôleur, au delà de son aspect policier n’est pas un métier gratifiant (ni pour l’employé, ni pour la société). 80% des agressions dans le train ont lieu lors des contrôles. La gratuité permettrait d’y remédier et permettait aux contrôleurs de changer d’un métier sans réel épanouissement pour un métier socialement utile et reconnu. D’autant que cette mesure ne coutera pas un centime à la SNCF. Une étude a démontrée que le coût du système actuel de billetterie revient approximativement à remettre à zéro le gain financier fait par la SNCF sur la vente de tickets. (systèmes de contrôles, guichets, brigades anti-fraude,...).Cette mesure serait d’autant plus juste que les transports sont déjà financés par à hauteur de 75% par l’assiette transports des entreprises de la région et via nos impôts pour les collectivités territoriales, et les 25% restants étant assumés par le paiement des billets.


Cette monographie fut très intéressante et m’a permis de mieux cerner un métier finalement mal connu et que pourtant tous les usagers semblent connaître. Lors de mes recherches, j’ai été frappé par le nombre de sites de discussions qui font des paris amicaux sur les retards de train, ou qui déverse leur haine du contrôle ou tout simplement qui parle de leur propre expérience d’usager. Que l’on soit allié ou réfractaire, le métier d’ACT ne laisse pas indifférent.

Sources

Thalys.com
Cidj.com
Utp.fr
Alternativelibertaire.org
Travail-social.com
Passion-trains.com
Toobusiness.com
Jean-Marc Raynaud (2007) Editions du monde libertaire « le syndrome de Janus » Les retraites , collection Ducharbon.
Jean Sivardère & Jean-François Mayet « Pour ou contre les transports urbains gratuits ? » magasine 60 millions de consommateurs.

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